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«Soren invente, me semble-t-il, une géographie de l'obscur, du chagrin.

 

L'ombre n'est pas pour Soren un moment ou un élément du monde visible. Elle est substance originelle, elle est son miroir le plus intime. En la travaillant dans son épaisseur, sa densité (au fusain, à la pierre noire), il accouche d'une étrange lumière. Une lumière intérieure, vivante, douloureuse. Les ténèbres se sentent avec la peau.

Soren malaxe lumière et ombre, les triture avec ses doigts, tel un étrange démiurge, obscur à lui même. En lui couvent depuis si longtemps les êtres de ses cauchemars, les douleurs silencieuses, et tous ces songes troubles, comme des blessures dont on ne peut pas guérir. Ainsi ses dessins sont comme ses enfants, ses doubles, d'insistants fantômes...» « La blessure hante le dessinateur. Toute son oeuvre s'affronte, dessin après dessin, à une vie plus trouble, plusdangereuse que celle qui nous emporte à notre insu. Du fond de ses images l'agonie nous regarde en face. S'imposent au regard prothèses et coutures – je pense à toutes ces amputations, cette vie d'après le désastre –résultant d'une guerre innommable. Et toujours il y a ces yeux – oeil clair ou de lune noire – illuminant les crânes humains ou les peaux des premiers temps. Blessures. Amputations. Visages fêlés. Paupières et peau cousues. Des têtes blessées (guerre, torture, suicide), des visages de douleur aux paupières couturées, une étoile de sang sur le bandage enserrant un crâne, des visages se consumant en un spasme figé : Soren déploie sous nos yeux une chirurgie du chagrin...»

 

JM Maubert. Victor Soren, une géographie de l’ombre. L’ oeuf sauvage n°11.

Victor Soren

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